Dans un contexte mondial marqué par des crises humanitaires croissantes, la question de l’intégration des réfugiés et demandeurs d’asile est devenue un enjeu majeur pour de nombreux pays d’accueil. Au cœur de cette problématique se trouve la formation, véritable clé de voûte pour une intégration réussie. Cet article se propose d’explorer les aspects juridiques des dispositifs de formation mis en place pour ces populations vulnérables, offrant un éclairage expert sur les droits, les obligations et les défis rencontrés.
Le cadre juridique international
Le droit à l’éducation et à la formation est consacré par plusieurs textes internationaux fondamentaux. La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés stipule dans son article 22 que « les États contractants accorderont aux réfugiés le même traitement qu’aux nationaux en ce qui concerne l’enseignement primaire ». Cette disposition est renforcée par l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui proclame que « toute personne a droit à l’éducation ».
Au niveau européen, la Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale prévoit dans son article 14 que « les États membres accordent aux enfants mineurs des demandeurs et aux demandeurs mineurs l’accès au système éducatif dans des conditions analogues à celles qui sont prévues pour leurs propres ressortissants ». Cette directive s’applique également aux adultes, encourageant les États membres à faciliter leur accès à la formation professionnelle.
Les dispositifs de formation en France
En France, le droit à la formation des réfugiés et demandeurs d’asile s’inscrit dans un cadre légal spécifique. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a renforcé les dispositifs existants.
Le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR) est au cœur du processus d’intégration. Signé par tout étranger admis pour la première fois au séjour en France et souhaitant s’y installer durablement, il prévoit une formation civique et, si nécessaire, une formation linguistique. Pour les réfugiés, le volume horaire de cette formation linguistique peut atteindre 600 heures, contre 400 pour les autres étrangers.
En complément du CIR, le programme HOPE (Hébergement Orientation Parcours vers l’Emploi) offre aux bénéficiaires d’une protection internationale un parcours intégré incluant hébergement, formation professionnelle et accompagnement vers l’emploi. Ce dispositif, fruit d’un partenariat entre l’État, l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), Pôle Emploi et plusieurs entreprises, a permis la formation de plus de 3 000 réfugiés depuis son lancement en 2017.
Les enjeux juridiques de la reconnaissance des qualifications
Un des défis majeurs dans la formation des réfugiés et demandeurs d’asile réside dans la reconnaissance de leurs qualifications antérieures. La Convention de Lisbonne de 1997 sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne prévoit des dispositions spécifiques pour les réfugiés. L’article VII stipule que « chaque Partie prend toutes les mesures possibles et raisonnables dans le cadre de son système éducatif […] pour élaborer des procédures appropriées permettant d’évaluer équitablement et efficacement si les réfugiés […] remplissent les conditions requises pour l’accès à l’enseignement supérieur, la poursuite de programmes d’enseignement supérieur complémentaires ou l’exercice d’une activité professionnelle ».
En France, le dispositif RESOME (Réseau Études Supérieures et Orientation des Migrants et Exilés) vise à faciliter l’accès des réfugiés et demandeurs d’asile à l’enseignement supérieur. Ce réseau associatif travaille en collaboration avec les universités pour mettre en place des procédures de validation des acquis et d’équivalence des diplômes adaptées à la situation spécifique de ces publics.
L’accès à la formation professionnelle
L’accès à la formation professionnelle constitue un enjeu crucial pour l’insertion des réfugiés et demandeurs d’asile sur le marché du travail. En France, le Code du travail prévoit dans son article L6111-2 que « les actions de lutte contre l’illettrisme et en faveur de l’apprentissage et de l’amélioration de la maîtrise de la langue française ainsi que des compétences numériques font partie de la formation professionnelle tout au long de la vie ». Cette disposition bénéficie pleinement aux réfugiés et demandeurs d’asile.
Le Plan d’Investissement dans les Compétences (PIC), lancé en 2018, inclut un volet spécifique pour l’intégration professionnelle des réfugiés. Ce plan prévoit le financement de parcours de formation adaptés, combinant apprentissage linguistique et formation professionnelle. À titre d’exemple, en 2020, plus de 15 000 réfugiés ont bénéficié de formations financées dans le cadre du PIC.
Les défis de la mise en œuvre
Malgré un cadre juridique favorable, la mise en œuvre effective des dispositifs de formation pour les réfugiés et demandeurs d’asile se heurte à plusieurs obstacles. La barrière linguistique reste un frein majeur, nécessitant souvent des formations préalables en français avant d’accéder à d’autres types de formation. La précarité administrative des demandeurs d’asile peut également compliquer leur accès à certains dispositifs, notamment ceux liés à l’alternance ou à l’apprentissage qui nécessitent une autorisation de travail.
La Cour des comptes, dans un rapport de 2020 sur l’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, a souligné la nécessité d’améliorer la coordination entre les différents acteurs impliqués dans la formation des réfugiés et demandeurs d’asile. Elle recommande notamment de « renforcer le pilotage interministériel de la politique d’intégration » pour garantir une meilleure articulation entre les dispositifs de droit commun et les dispositifs spécifiques.
Perspectives et recommandations
Face à ces défis, plusieurs pistes d’amélioration peuvent être envisagées :
1. Renforcer la flexibilité des parcours de formation : Il est crucial d’adapter les dispositifs existants pour prendre en compte la diversité des profils et des besoins des réfugiés et demandeurs d’asile. Cela peut passer par la mise en place de modules de formation modulables et personnalisables.
2. Développer les partenariats public-privé : L’implication accrue des entreprises dans la formation et l’insertion professionnelle des réfugiés et demandeurs d’asile peut ouvrir de nouvelles opportunités. Des dispositifs comme les POEC (Préparations Opérationnelles à l’Emploi Collectives) spécifiquement dédiées à ce public pourraient être développés.
3. Améliorer l’accès à l’information : La création d’une plateforme numérique centralisant les informations sur les dispositifs de formation disponibles, accessible en plusieurs langues, permettrait de faciliter l’orientation des réfugiés et demandeurs d’asile.
4. Renforcer la formation des formateurs : La mise en place de formations spécifiques pour les professionnels intervenant auprès des réfugiés et demandeurs d’asile permettrait de mieux prendre en compte les spécificités de ce public (trauma, interculturalité, etc.).
5. Faciliter la reconnaissance des compétences : Le développement d’outils d’évaluation des compétences adaptés, comme le passeport européen des qualifications des réfugiés, pourrait être généralisé pour faciliter l’accès à la formation et à l’emploi.
Les dispositifs de formation pour les réfugiés et demandeurs d’asile s’inscrivent dans un cadre juridique complexe, à l’intersection du droit international, européen et national. Si des avancées significatives ont été réalisées ces dernières années, des défis importants persistent pour garantir un accès effectif et équitable à la formation. L’enjeu est de taille : permettre à ces populations vulnérables d’acquérir les compétences nécessaires pour s’intégrer durablement dans leur pays d’accueil, tout en respectant leurs droits fondamentaux. Une approche holistique, combinant flexibilité des parcours, partenariats innovants et adaptation continue des dispositifs aux besoins spécifiques de ce public, semble être la voie à suivre pour relever ce défi sociétal majeur.