Assurance prêt immobilier : protection contre les refus d’assurance abusifs

La souscription à une assurance emprunteur constitue une étape incontournable lors de l’obtention d’un prêt immobilier. Pourtant, de nombreux candidats à l’emprunt se heurtent à des refus d’assurance en raison de leur état de santé ou de leur âge. Face à cette problématique, le législateur français a progressivement mis en place un cadre juridique visant à protéger les emprunteurs contre les discriminations et les refus abusifs. Cette protection s’articule autour de dispositifs comme la convention AERAS, le droit à l’oubli ou la résiliation annuelle. Comprendre ces mécanismes permet aux emprunteurs de faire valoir leurs droits et d’accéder à une assurance prêt immobilier à des conditions équitables, malgré des situations de santé complexes.

Le cadre juridique de l’assurance emprunteur en France

L’assurance emprunteur s’inscrit dans un cadre légal précis qui a considérablement évolué ces dernières années. Si elle n’est pas obligatoire au sens strict du terme, la loi Scrivener de 1979 permet aux établissements bancaires d’en faire une condition sine qua non à l’octroi d’un prêt immobilier. Cette exigence se justifie par le besoin de garantir le remboursement du capital en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité de l’emprunteur.

La loi Lagarde de 2010 a marqué un tournant décisif en instaurant le principe de déliaison, permettant aux emprunteurs de choisir librement leur assurance, sous réserve qu’elle présente un niveau de garantie équivalent à celui proposé par la banque. Cette avancée a été renforcée par la loi Hamon de 2014, qui autorise la substitution d’assurance dans les 12 mois suivant la signature du prêt, puis par la loi Bourquin de 2017, qui étend cette possibilité à chaque date anniversaire du contrat.

Plus récemment, la loi Lemoine promulguée en février 2022 a apporté des modifications significatives en faveur des emprunteurs. Elle permet désormais la résiliation à tout moment après la première année de contrat et supprime le questionnaire médical pour les prêts inférieurs à 200 000 euros par assuré, remboursables avant 60 ans. Cette mesure représente une avancée majeure pour les personnes présentant un risque aggravé de santé.

Le cadre juridique comprend également des dispositions visant à lutter contre les discriminations. L’article L111-8 du Code des assurances interdit formellement toute discrimination fondée sur le handicap dans l’accès à l’assurance. De plus, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades prohibe les discriminations basées sur l’état de santé, sauf si elles sont justifiées par un risque objectivement plus élevé.

Évolution des textes législatifs

L’évolution législative témoigne d’une volonté constante d’améliorer la protection des emprunteurs face aux refus d’assurance potentiellement abusifs. La tendance actuelle vise à garantir un meilleur équilibre entre les intérêts légitimes des assureurs et le droit des personnes à risque aggravé de santé d’accéder à la propriété immobilière.

La convention AERAS : un dispositif central contre les refus abusifs

La convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) constitue la pierre angulaire du dispositif de protection des emprunteurs présentant un risque de santé. Mise en place en 2006 et régulièrement révisée, cette convention résulte d’un accord entre les pouvoirs publics, les associations de patients et de consommateurs, les banques et les assurances.

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Son objectif principal est de faciliter l’accès à l’assurance et au crédit pour les personnes ayant ou ayant eu un problème grave de santé. La convention s’articule autour d’un système d’examen des demandes à trois niveaux. Le premier niveau correspond à l’analyse standard des questionnaires de santé. En cas de refus, le dossier est automatiquement transmis au deuxième niveau, où il est examiné par le service médical spécialisé de la compagnie d’assurance. Si cette étape aboutit encore à un refus, le dossier peut être soumis au troisième niveau, constitué d’un pool de réassureurs, pour les prêts immobiliers ne dépassant pas 320 000 euros.

La convention AERAS prévoit également un mécanisme de mutualisation des risques qui permet de plafonner les surprimes d’assurance pour les personnes aux revenus modestes. Ce dispositif appelé écrêtement s’applique lorsque le revenu ne dépasse pas un certain seuil (actuellement fixé à 1,5 fois le SMIC) et que la surprime dépasse 1,5 point du taux effectif global de l’emprunt.

  • Facilitation de l’accès à l’assurance pour les risques aggravés de santé
  • Examen automatique et gradué des demandes refusées
  • Plafonnement des surprimes pour les revenus modestes
  • Garantie d’un traitement confidentiel des données médicales

La convention impose aux établissements financiers une obligation d’information claire sur son existence et ses modalités. Tout manquement à cette obligation peut être sanctionné. Par ailleurs, en cas de litige, l’emprunteur peut saisir la Commission de Médiation AERAS, qui intervient comme médiateur entre les parties.

Malgré ses avantages indéniables, la convention AERAS présente certaines limites. Elle n’empêche pas totalement les refus ni les surprimes parfois très élevées. De plus, les délais d’examen des dossiers peuvent s’avérer longs, ce qui peut compliquer les projets immobiliers soumis à des contraintes temporelles strictes.

Le droit à l’oubli et la grille de référence AERAS

Le droit à l’oubli constitue une avancée majeure dans la protection des personnes ayant souffert de pathologies graves. Intégré à la convention AERAS en 2015 puis consacré par la loi en 2016, ce dispositif permet aux anciens malades de ne plus déclarer certaines pathologies après un délai défini post-guérison.

Initialement limité aux pathologies cancéreuses, le droit à l’oubli a été progressivement étendu à d’autres maladies. La loi du 28 février 2022 a considérablement renforcé ce dispositif en réduisant le délai général de droit à l’oubli pour les cancers de 10 à 5 ans après la fin du protocole thérapeutique. Pour les cancers diagnostiqués avant l’âge de 21 ans, ce délai est même abaissé à 5 ans.

Concrètement, lorsqu’une personne bénéficie du droit à l’oubli, elle n’a plus l’obligation de mentionner sa pathologie passée dans le questionnaire de santé. Les assureurs ne peuvent donc ni refuser de l’assurer ni lui appliquer une surprime sur la base de cette pathologie. Cette disposition représente une protection efficace contre les refus d’assurance potentiellement discriminatoires.

Complémentaire au droit à l’oubli, la grille de référence AERAS établit une liste de pathologies pour lesquelles l’accès à l’assurance est facilité, même avant l’expiration du délai de droit à l’oubli. Cette grille, régulièrement mise à jour par un groupe de travail composé d’experts médicaux, fixe pour chaque pathologie listée des conditions d’accès à l’assurance sans surprime ou avec une surprime plafonnée.

Évolutions récentes du droit à l’oubli

Les évolutions récentes du droit à l’oubli témoignent d’une volonté d’élargir son champ d’application. Ainsi, depuis la loi Lemoine de 2022, certaines pathologies chroniques comme le VIH, l’hépatite C guérie ou le diabète de type 1 bénéficient de conditions d’assurabilité améliorées dans la grille de référence.

L’application du droit à l’oubli et de la grille de référence est strictement encadrée. Les assureurs sont tenus de respecter ces dispositions sous peine de sanctions. En cas de non-respect, l’emprunteur peut saisir la Commission de Médiation AERAS ou porter l’affaire devant les tribunaux.

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Pour faire valoir efficacement ces droits, l’emprunteur doit être vigilant quant aux questions posées dans le questionnaire médical. Si celui-ci contient des questions portant sur des pathologies couvertes par le droit à l’oubli, l’emprunteur est légitimement fondé à ne pas les mentionner, sans que cela puisse être considéré comme une fausse déclaration.

Les recours juridiques face aux refus d’assurance abusifs

Face à un refus d’assurance potentiellement abusif, l’emprunteur dispose de plusieurs voies de recours. La première démarche consiste généralement à demander à l’assureur les motifs précis de son refus. En vertu de la loi du 4 mars 2002, l’assureur est tenu de motiver son refus lorsqu’il est fondé sur des raisons médicales.

Si le refus semble injustifié ou disproportionné, l’emprunteur peut saisir le médiateur de l’assurance. Cette procédure gratuite et non contraignante permet souvent de trouver une solution amiable. Le médiateur examine les éléments du dossier et formule une recommandation que l’assureur est libre de suivre ou non.

Une autre option consiste à saisir la Commission de Médiation AERAS. Composée de représentants des banques, des assurances et des associations de patients, cette commission intervient spécifiquement dans les litiges liés à l’application de la convention AERAS. Elle peut notamment vérifier que le dossier a bien été examiné aux trois niveaux prévus par la convention.

En cas d’échec des démarches amiables, l’emprunteur peut envisager un recours judiciaire. Plusieurs fondements juridiques peuvent être invoqués :

  • La discrimination fondée sur l’état de santé ou le handicap (articles 225-1 et suivants du Code pénal)
  • Le non-respect de la convention AERAS
  • La violation du droit à l’oubli
  • L’absence de proportionnalité entre le risque réel et les conditions proposées

Les juridictions compétentes varient selon la nature du litige. Le tribunal judiciaire peut être saisi pour les litiges civils, tandis que les infractions pénales relèvent du tribunal correctionnel. Dans certains cas, la saisine du Défenseur des droits peut s’avérer pertinente, particulièrement lorsqu’il s’agit de discriminations.

La jurisprudence en matière de refus d’assurance abusif s’est considérablement enrichie ces dernières années. Plusieurs décisions ont condamné des assureurs pour discrimination, notamment lorsque le refus n’était pas justifié par des éléments objectifs et actualisés. Ainsi, la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 9 novembre 2018 que le refus d’assurance doit être fondé sur une évaluation individualisée du risque et non sur des considérations générales relatives à une pathologie.

Préparer son dossier de recours

Pour optimiser ses chances de succès, l’emprunteur doit constituer un dossier solide comprenant tous les échanges avec l’assureur, les questionnaires médicaux remplis, ainsi que des avis médicaux récents attestant de son état de santé réel. L’assistance d’un avocat spécialisé peut s’avérer déterminante, particulièrement dans les cas complexes.

Stratégies pratiques pour contourner les refus d’assurance

Au-delà des recours juridiques, diverses stratégies peuvent être mises en œuvre pour améliorer les chances d’obtenir une assurance emprunteur malgré un risque aggravé de santé. La première consiste à solliciter plusieurs assureurs simultanément. Les critères d’évaluation des risques variant d’une compagnie à l’autre, cette approche multiplie les chances d’obtenir au moins une proposition acceptable.

Le recours à un courtier spécialisé en assurance emprunteur pour risque aggravé constitue souvent une solution efficace. Ces professionnels disposent d’une connaissance approfondie du marché et des critères d’acceptation des différents assureurs. Ils peuvent ainsi orienter l’emprunteur vers les compagnies les plus susceptibles d’accepter son profil.

La délégation d’assurance offre une flexibilité considérable. En effet, la banque ne peut légalement imposer son contrat groupe et doit accepter toute assurance externe présentant des garanties équivalentes. Cette option permet de comparer les offres et de choisir celle qui correspond le mieux à la situation spécifique de l’emprunteur.

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Dans certains cas, l’adaptation des garanties peut constituer une alternative au refus total. Certains assureurs proposent des contrats excluant spécifiquement la pathologie à risque tout en couvrant les autres risques. Cette solution, bien qu’imparfaite, permet d’obtenir une couverture partielle plutôt qu’un refus complet.

La co-assurance représente une autre approche intéressante. Elle consiste à répartir la couverture entre plusieurs emprunteurs. Par exemple, dans un couple, la personne présentant un risque de santé peut être assurée à un taux inférieur à 100%, tandis que l’autre co-emprunteur compense en étant assuré à un taux supérieur.

Solutions alternatives à l’assurance traditionnelle

Face à un refus persistant, l’emprunteur peut explorer des alternatives à l’assurance emprunteur classique. La garantie hypothécaire consiste à offrir un bien immobilier en garantie du prêt. Cette solution peut satisfaire certaines banques, mais présente l’inconvénient majeur de mettre en péril le patrimoine en cas de défaillance.

Le nantissement d’un contrat d’assurance-vie ou d’un portefeuille de valeurs mobilières peut également servir de garantie alternative. Cette option nécessite toutefois de disposer d’un capital financier significatif préalablement constitué.

Certaines associations comme l’AGEFIPH pour les personnes handicapées ou des organismes comme la Caisse des Dépôts et Consignations proposent des dispositifs de garantie spécifiques pour faciliter l’accès au crédit des personnes exclues du système d’assurance traditionnel.

Vers une assurance emprunteur plus inclusive : perspectives d’avenir

L’évolution récente de la législation témoigne d’une tendance de fond vers une plus grande inclusivité du système d’assurance emprunteur. La réduction progressive des délais de droit à l’oubli, l’élargissement de la grille de référence AERAS à de nouvelles pathologies et la suppression du questionnaire médical pour certains prêts illustrent cette dynamique positive.

Les progrès médicaux contribuent également à cette évolution. L’amélioration des traitements et du pronostic de nombreuses pathologies justifie une réévaluation régulière des critères d’assurabilité. Les assureurs sont progressivement amenés à affiner leurs modèles actuariels pour mieux refléter la réalité médicale contemporaine plutôt que de s’appuyer sur des statistiques obsolètes.

L’émergence de l’assurance paramétrique pourrait révolutionner l’approche du risque médical. Ce modèle, basé sur des paramètres objectifs et prédéfinis plutôt que sur une évaluation subjective du risque, pourrait offrir une alternative plus équitable aux personnes présentant un risque aggravé de santé.

Le développement des technologies de santé connectée ouvre également des perspectives intéressantes. En permettant un suivi en temps réel de certains paramètres de santé, ces technologies pourraient faciliter l’accès à l’assurance pour des personnes actuellement exclues, à condition que leur utilisation soit strictement encadrée pour éviter toute dérive.

Sur le plan juridique, plusieurs pistes d’amélioration sont envisagées. L’une d’elles consiste à renforcer les sanctions en cas de refus abusif ou de non-respect du droit à l’oubli. Une autre proposition vise à créer un organisme indépendant chargé de contrôler les pratiques des assureurs en matière d’évaluation des risques médicaux.

Le rôle des associations et des collectifs de patients

Les associations de patients jouent un rôle fondamental dans l’évolution du cadre juridique de l’assurance emprunteur. Leur mobilisation a largement contribué à l’adoption de mesures comme le droit à l’oubli ou l’abaissement des délais. Des organisations comme la Ligue contre le cancer, AIDES ou la Fédération Française des Diabétiques poursuivent leurs efforts pour améliorer encore l’accès à l’assurance des personnes concernées par ces pathologies.

Ces associations participent activement aux instances de concertation comme le Comité de suivi AERAS et contribuent à l’enrichissement de la grille de référence. Leur expertise sur les pathologies et leur évolution permet d’actualiser régulièrement les critères d’assurabilité en fonction des avancées médicales.

L’avenir de l’assurance emprunteur pour les personnes présentant un risque aggravé de santé s’inscrit dans une dynamique d’équilibre entre la nécessaire mutualisation des risques et le droit fondamental d’accès au logement. Les évolutions législatives et technologiques laissent entrevoir un système progressivement plus inclusif, où les refus d’assurance abusifs deviendront l’exception plutôt que la règle.